12/07/2019
Robert Desnos, Domaine public
Siramour
Semez, semez la graine
Aux jardins que j’avais.
Je parle ici de la sirène idéale et vivante,
De la maîtresse de l’écume et des moissons de la nuit
Où les constellations profondes comme des puits grincent
de toutes leurs poulies et renversent à pleins seaux
la terre et le sommeil un tonnerre de marguerites
et de pervenches.
Nous irons à Lisbonne, âme lourde et cœur gai,
Cueillir la belladone au jardin que j’avais.
Je parle ici de la sirène idéale et vivante,
Pas la figure de proue mais la figure de chair,
La vivante et l’insatiable,
Vous que nul ne pardonne,
Âme lourde et cœur gai,
Sirène de Lisbonne,
Lionne rousse aux aguets.
Je parle ici de la sirène idéale et vivante,
Jadis une sirène
À Lisbonne vivait.
Semez, semez la graine
Aux jardins que j’avais.
(…)
Robert Desnos,Siramour, dans Domaine public,
Gallimard, 1953, p. 295.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : robert desnos, siramour, domaine public, sirène | Facebook |
24/08/2017
Robert Desnos, Deuil pour deuil
Écoutez ! des tambours et des cris, le roulement funeste d’une puissante auto présagent la Révolution prochaine. Des hommes seront guillotinés, les drapeaux s’envoleront comme des cigognes mais d’inguillotinables femmes décevront, laisseront songeurs au haut des estrades sanglantes les sympathiques, les pensifs bourreaux.
Robert Desnos, Deuil pour deuil, dans La liberté ou l’amour !, L’imaginaire/Gallimard, 1962, p. 131.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : robert desnos, deuil pour deuil, révolution, guillotine, bourreau, femme | Facebook |
10/08/2016
Robert Desnos, Domaine public
Photo Man Ray
Sirène Anémone
Qui donc pourrait me voir
Moi la flamme étrangère
L'anémone du soir
Fleurit sous mes fougères
Ô fougères mes mains
Hors l'armure brisée
Sur le bord des chemins
En ordre sont dressées
Et la nuit s'exagère
Au brasier de la rouille
Tandis que les fougères
Vont aux écrins de houille
L'anémone des cieux
Fleurit sur mes parterres
Fleurit encore aux yeux
À l'ombre des paupières
Anémone des nuits
Qui plonge ses racines
Dans l'eau creuse des puits
Aux ténèbres des mines
Poseraient-ils leurs pieds
Sur le chemin sonore
Où se niche l'acier
Aux ailes de phosphore
Verraient-ils les mineurs
Constellés d'anthracite
Paraître l'astre en fleur
Dans un ciel en faillite
En cet astre qui luit
S'incarne la sirène
L'anémone des nuits
Fleurit sur son domaine
Alors que s'ébranlaient avec des cris d'orage
Les puissances Vertige au verger des éclairs
La sirène dardée à la proue d'un sillage
Vers la lune chanta la romance de fer
[...]
Robert Desnos, "Sirène Anémone", dans Domaine public,
"Le Point du jour", Gallimard, 1953, p. 155-156.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : robert desnos, sirène anémone, domaine public, man ray | Facebook |
06/04/2016
Robert Desnos, Complainte de Fantômas, dans Domaine public
Complainte de Fantômas
1
Écoutez... Faites silence...
La triste énumération
De tous les forfaits sans nom,
Des tortures, des violences
Toujours impunis, hélas !
Du criminel Fantômas.
2
Lady Beltham, sa maîtresse,
Le vit tuer son mari
Car il les avait surpris
Au milieu de leurs caresses.
Il coula le paquebot
Lancaster au fond des flots.
3
Cent personnes il assassine.
Mais Juve aidé de Fandor
Va lui faire subir son sort
Enfin sur la guillotine...
Mais un acteur, très bien grimé,
À sa place est exécuté.
4
Un phare dans la tempête
Croule, et les pauvres bateaux
Font naufrage au fond de l’eau.
Mais surgissent quatre têtes :
Lady Beltham, aux yeux d’or,
Fantômas, Juve et Fandor.
5
Le monstre avait une fille
Aussi jolie qu’une fleur.
La douce Hélène au grand cœur
Ne tenait pas de sa famille,
Car elle sauva Fandor
Qu’était condamné à mort.
6
En consigne d’une gare
Un colis ensanglanté !
Un escroc est arrêté !
Qu’est devenu le cadavre ?
Le cadavre est bien vivant,
C’est Fantômas, mes enfants !
.....................
25
Pour ceux du peuple et du monde,
J’ai écrit cette chanson
Sur Fantômas, dont le nom
Fait trembler à la ronde.
Maintenant, vivez longtemps
Je le souhaite en partant.
Final
Allongeant son ombre immense
Sur le monde et sur Paris,
Quel est ce spectre aux yeux gris
Qui surgit dans le silence ?
Fantômas, serait-ce toi
Qui te dresse sur les toits ?
Robert Desnos, Complainte de Fantômas,
(1933, musique de Kurt Weil), dans
Domaine public, Gallimard, 1953, p. 279-
280 et 286.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : robert desnos, complainte de fantômes, domaine public, chanson, fantaisie | Facebook |
29/03/2015
Robert Desnos, Domaine public
Les sources de la nuit
Les sources de la nuit sont baignées de lumière.
C’est un fleuve où constamment
boivent des chevaux et des juments de pierre
en hennissant.
Tant de siècles de dur labeur
aboutiront-ils enfin à la fatigue qui amollit les pierres ?
Tant de larmes, tant de sueur
justifieront-ils le sommeil sur la digue ?
Sur la digue où vient se briser
le fleuve qui va vers la nuit,
où le rêve abolit la pensée.
C’est une étoile qui nous suit.
À rebrousse-poil, à rebrousse-chemin,
Étoile, suivez-nous, docile,
et venez manger dans notre main,
Maîtresse enfin de son destin
Et de quatre éléments hostiles.
Robert Desnos, Domaine public, « Le Point de jour »,
Gallimard, 1953, p. 307.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : robert desnos, les sources de la nuit, domaine public, sommeil, étoilre | Facebook |
09/11/2013
Robert Desnos, Sirène Anémone, dans Domaine public
Sirène Anémone
Qui donc pourrait me voir
Moi la flamme étrangère
L'anémone du soir
Fleurit sous mes fougères
Ô fougères mes mains
Hors l'armure brisée
Sur le bord des chemins
En ordre sont dressées
Et la nuit s'exagère
Au brasier de la rouille
Tandis que les fougères
Vont aux écrins de houille
L'anémone des cieux
Fleurit sur mes parterres
Fleurit encore aux yeux
À l'ombre des paupières
Anémone des nuits
Qui plonge ses racines
Dans l'eau creuse des puits
Aux ténèbres des mines
Poseraient-ils leurs pieds
Sur le chemin sonore
Où se niche l'acier
Aux ailes de phosphore
Verraient-ils les mineurs
Constellés d'anthracite
Paraître l'astre en fleur
Dans un ciel en faillite
En cet astre qui luit
S'incarne la sirène
L'anémone des nuits
Fleurit sur son domaine
Alors que s'ébranlaient avec des cris d'orage
Les puissances Vertige au verger des éclairs
La sirène dardée à la proue d'un sillage
Vers la lune chanta la romance de fer
[...]
Robert Desnos, Sirène Anémone, dans Domaine public,
"Le Point du jour", Gallimard, 1953, p. 155-156.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : robert desnos, sirène anémone, dans domaine public, fleur, fantastique | Facebook |
10/08/2012
Robert Desnos, Fortunes
Baignade
Où allez-vous avec vos tas de carottes ?
Où allez-vous, nom de Dieu ?
Avec vos têtes de veaux
et vos cœurs à l'oseille ?
Où allez-vous ? Om allez-vous ?
Nous allons pisser dans les trèfles
Et cracher dans les sainfoins.
Où allez-vous avec vos têtes de veaux ?
Où allez-vous avec embarras ?
Le soleil est un peu liquide
Un peu liquide cette nuit.
Où allez-vous, têtes à l'oseille ?
Nous allons pisser dans les trèfles
Et cracher dans les sainfoins.
Où allez-vous ? Où allez-vous
À travers la boue et la nuit ?
Nous allons cracher dans les trèfles
Et pisser dans les sainfoins,
Avec nos airs d'andouilles
Avec nos becs-de-lièvre
Nous allons pisser dans les trèfles.
Arrêtez-vous. Je vous rejoins.
Je vous rattrape ventre à terre
Andouilles vous-mêmes et mes copains
Je vais pisser dans les trèfles
Et cracher dans les sainfoins.
Et pourquoi ne venez-vous pas ?
Je ne vais pas bien, je vais mieux.
Cœurs d'andouilles et couilles de lions !
Je vais pisser, pisser avec vous
Dans les trèfles
Et cracher dans les sainfoins.
Baisers d'après minuit vous sentez la rouille
Vous sentez le fer, vous sentez l'homme
Vous sentez ! Vous sentez la femme.
Vous sentez encore mainte autre chose :
Le porte-plume mâché à quatre ans
Quand on apprend à écrire,
Les cahiers neufs, les livres d'étrennes
Tout dorés et peints d'un rouge
Qui poisse et saigne au bout des doigts.
Baisers d'après minuit
Baignade dans les ruisseaux froids
Comme un fil de rasoir.
Robert Desnos, Fortunes, Poésie / Gallimard, 1980
[1945], p. 97-98.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : robert desnos, fortunes, baignade, refrain | Facebook |
03/04/2012
Robert Desnos, Corps et biens, Les portes battantes
Chanson de chasse
La chasseresse sans chance
de son sein choie son sang sur ses chasselas
chasuble sur ce chaud si chaud sol
chat sauvage
chat chat sauvage qui vaut sage
Laissez sécher les chasses léchées
chasse ces chars sans chevaux et cette échine
sans châle
si sûre chasseresse
son sort qu'un chancre sigille
chose sans chagrin
chanson sans chair chanson chiche.
Rober Desnos, Corps et biens, dans Œuvres, éditions établie et présentée par Marie-Claire Dumas, Quarto Gallimard, 1999, p. 530.
Paris
Pas encore endormi,
J'entends vos pas dans la rue, hommes qui vous levez tôt,
Je distingue vos pas de ceux de l'homme attardé, aussi sûrement que
l'aube du crépuscule.
Sans cesse il est des hommes éveillés dans la ville.
À toute heure du jour des hommes qui s'éveillent,
Et d'autres qui s'endorment.
Il est, pendant le jour, d'invisibles étoiles dans le ciel.
Les routes de la terre où nous ne passerons jamais.
Le jour va paraître.
J'entends vos pas dans l'aube,
Courageux travailleurs matinaux.
Le soleil se pressent déjà derrière la brume.
Le fleuve coule plus nonchalamment.
Le trottoir sonne sec sous le pas.
Le son des horloges est plus clair.
Vienne l'indécis mois de mars et les langueurs du printemps
Tu te lèves, tu t'éclaires, tu éclates,
Figure de pavé et de cambouis,
Ville, ville où je vis,
Paris
Robert Desnos, Les Portes battantes, dans Œuvres, édition établie et présentée par Marie-Claire Dumas, Quarto Gallimard, 1999, p. 815.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : robert desnos, vorps et biens, les portes battantes, jeux de mots | Facebook |